Un miracle en équilibre
mercredi 30 mai 2007 | 17h24 |
Expérience fortissime que celle de la naissance d’un enfant, d’autant plus intense lorsque vous risquez d’y laisser votre peau et celle de votre bébé tant désiré.

Il y a un peu plus de dix jours, je suis entrée à l’hôpital en urgences…Avec des symptômes assez pénibles.

En effet, j’avais la tête de Boris Eltsine dans le corps de Bibendum premier…Le tout avec une impression de tension portée à son paroxysme.

Deux jours d’attente, d’examens hyper poussés, de crises de sommeil aigûe comme si la mouche Tsé Tsé s’était penchée sur mon berceau…Et autres petits désagréments dont je vous épargne les détails.
Au fur et à mesure de ces longues journée d’attentes, j’ai vu un nombre de femmes défiler dans ma chambre double… Toutes se plaignaient de maux divers, certaines gémissaient plus que d’autres, et moi je restais là, stoïque et confiante ne sachant rellement ce qui m’attendait.
Ndlr, je suis d’ailleurs la seule à être restée à l’hôpital… Comme quoi , ce ne sont pas celles qui font le plus de bruit qui souffrent le plus…

Et puis lundi dernier, en quelques minutes, tout a failli basculer… Précipitation absolue, salle d’accouchement évacuée de toute urgence pour m’accueillir, déclenchement de la naissance de mon petit, plaquettes de la maman qui chutent à une allure vertigineuse, tension qui s’emballe au galop, rythme cardiaque de bébé qui connaît des pics… Le bloc pour finir et moi en belle endormie devenue maman à son réveil… Heureux réveil car il s’en est sans doute fallu de peu pour que l’impensable se produise.
miracle  
Durant quelques jours, je ne me suis pas vue dans la glace, ne pouvant me lever seule.

Ainsi, arriver à la salle de bains faisait office de marathon.

Puis un beau matin, je ne sais ni pourquoi ni comment, j’ai vu mon reflet dans le miroir et horreur, j’avais littéralement changé de bobine…Une multitude de vaisseaux sanguins avaient éclatés sur mon visage…Sans doute le choc de l’anesthésie.

Je dois vous avouer avoir beaucoup pensé à vous pour qui l’hôpital devient une seconde maison pour un temps donné, pour qui les sensations que j’ai éprouvé en vitesse accélérée (la peur, le sentiment de solitude, la notion du temps qui passe trop vite…) prennent corps au quotidien…Et puis encore, lorsque j’ai eu la grande chance de tenir mon bébé dans les bras, et qu’enfin, j’ai eu le droit de me doucher et de sentir l’eau couler sur mon corps alors que j’étais pliée en deux de douleur, le ventre coutelé de toute urgence et recousu en surjet.

Oui, j’ai pensé à vous et je me suis dit ceci : quelque soit l’épreuve que nous passons ici sur notre lit d’hôpital, nous sommes entourés des médecins et des équipes soignantes qui ont pour ma part été des plus compétentes et des plus humaines me permettant très vite de lâcher prise et de me laisser mener vers la voie de la guérison… Celle de la vie tout bonnement.

Autre confidence intime : celle des premiers instants passés avec mon Joseph en salle de réveil, quand je l’ai senti pour la première foi contre ma peau, cherchant furtivement mon contact et s’endormant ensuite confiant…Je l’ai caressé, j’ai beaucoup pleuré, j’ai du le serrer très très fort…Pour tout dire, je l’ai touché un peu , beaucoup, passionnément…

Quelques jours après de retour à la maison, alors que je retrouvais la quiétude de ma « beauty room » une fois l’étendue des dégâts corporels posés, j’en ai fait de même pour moi, je me suis regardée, puis douchée, doucement, appréciant chaque goutte d’eau qui tombait sur mon corps, choississant avec soin ma crème de douche, me gommant subtilement le corps, me massant sensiblement le ventre , la poitrine…Prenant soin de ma peau comme si elle était mon bien le plus précieux…

Comment vous dire ? L’amour que j’ai communiqué à mon bébé en caresses, je me le suis procurée également et s’il est vrai comme le disait Isabelle que l’on ne soigne pas le cancer avec un fond de teint, ce dont je suis sûre, c’est qu’avec les crèmes et tout le toutim on soigne les bleus à l’âme …Ainsi va la vie.

Signé Sophie, maman et femme avant tout.
Crédit photo : jesuisunique ou plus récemment
Sophie mise à nu…

Note du Papy
Le titre de la note de Sophie est un clin d'œil au livre de Lucia Etxebarria, romancière espagnole et paru en 2006 sous le titre :
Un miracle en équilibre
Seras-tu un homme, ma fille ?

Ce roman est une lettre ouverte d'Eva, la narratrice à sa fille qui vient de naître, 'Un miracle en équilibre' c'est la vie mode d'emploi selon Eva/Lucia. Elle s'y met à nu sans pudeur. De New York à Madrid en passant par Alicante, elle expose son intimité d'accro romantique déjantée avec son humour cru et cette manière de bousculer les traditions, de briser les tabous. Mais cette adresse à son bébé est autant une réflexion profonde sur la famille, la transmission, qu'un journal intime. A cheval entre le passé (la mère d'Eva est en train de mourir) , le présent (la naissance de l'enfant) et le futur, Eva s'interroge sur l'art d'être mère et tente de répondre aux questions que sa fille se posera, en particulier : qu'est-ce qu'être une femme au XXIe siècle ?

Sans chercher à faire référence au livre de Lucia Etxebarria, je crois que le destin que nous venons de vivre ensemble en famille, au cours de ces 15 jours, a quelques ressemblances avec ce qui est décrit dans ce roman.
Roger, l'arrière grand-père de Joseph est décédé le 25 mai, jour de la Ste Sophie et 4 jours après la naissance de Joseph.
Dans la nuit du 14 au 15 mai, dans un rêve, mon épouse décédée, Evelyne - fille de Roger et Jeanne - se rappela à moi par une chaude et affectueuse présence. J'en fit part à Marie au petit-déjeuner, sans comprendre le sens du message. Quelques heures plus tard, vers 11h du matin, je recevais un coup de fil de l'infirmière de la Clairière me signifiant que l'état de Roger s'était détérioré. Dans ce rêve prémonitoire, mon épouse, en souvenir du passé vécu ensemble, me chargeait de veiller sur son père.
J'allais le voir en compagnie d'Eric, le vendredi 18, le lendemain de l'Ascension et jour de la fête d'Eric . Nous parlâmes un peu. Il était fort. Il ne souffrait pas. Eric le convaint d'aller déjeuner et de reprendre des forces. Au retour de Montargis, constatant que Sophie était mal, Eric et Sophie s'en allèrent aux urgences de l'hôpital St Antoine.
Le lundi 21, je retournais le voir avec Emmanuelle. Roger était calme. Il sentait la mort venir. Il le dira avec ces mots prononcés d'une voix claire : "C'est la mort". Au retour à Paris, nous allâmes d'urgence à l'hôpital St Antoine car l'accouchement de Sophie s'annoncait.

Je crois que Roger venait de donner sa Vie, et qu'avec Emmanuelle nous étions venus la chercher ensemble pour que Sophie et Joseph vivent...

Après une bénédiction en la chapelle St Louis de Montargis, l'inhumation de Roger eu lieu le mercredi 30 mai, jour de cette note de Sophie, et le soir, la nouvelle petite famille rejoindra, pour quelques jours, le refuge familial de St Germain en Laye.

Une nouvelle vie commencait...ou plutôt, la Vie se poursuivait...